Geneviève Gélinas, Johanne Fournier. “L’essor de la motoneige hors piste, pour le meilleur et pour le pire”. Le Soleil. 26 mars 2016.

(Mont-Louis) L’hiver a beau tirer à sa fin à Québec, la Gaspésie vient de recevoir une grosse bordée de neige. Attirés par cette abondance et par les montagnes, les motoneigistes hors piste s’y rendent par centaines chaque hiver. Une dizaine d’entreprises de guidage profitent de l’essor de ce hobby, qui ne fait pas l’affaire de tout le monde. Des adeptes de hors-piste font fi des propriétés privées ou écrasent des plantations de conifères.

David Lévesque, d’Adrénaline hors piste à Mont-Louis, a acheté sa première motoneige hors piste en 2004. «C’était très, très marginal à l’époque. Tout le monde était très étonné de voir la taille de nos crampons.»

Au fil des ans, M. Lévesque a rencontré des motoneigistes qui voulaient être guidés.

En 2010, ce pompier forestier s’est créé un gagne-pain d’hiver avec son entreprise de guidage. De 100 motoneigistes à son premier hiver, sa clientèle est passée à

200 l’an dernier. 

«La majorité sont des Québécois, je dirais à 75 % ou 80 %. Cette année, j’ai eu un groupe d’Américains, un du Nouveau-Brunswick, et j’en reçois parfois de l’Ontario», décrit M. Lévesque. La majorité est âgée de 20 à 40 ans, ce qui laisse présager un long avenir pour ce loisir.

 

Alain Thibault, propriétaire d’Extrême Chic-Chocs à Sainte-Anne-des-Monts, a vu sa clientèle quadrupler en cinq ans. Les motoneigistes viennent passer entre un et trois jours en Gaspésie, observe ce retraité de l’armée. «En moyenne, ils dépensent 1000 $ par voyage par personne. C’est de l’essence, de la nourriture, l’hébergement.» 

«En 2010, on était seuls dans le bois, on ne croisait pas souvent d’autres motoneiges. Aujourd’hui, ça a augmenté, c’en est incroyable et c’est presque trop, dit M. Thibault.

Des gens vont dans des territoires où ils n’ont pas le droit d’aller, certains brisent des plantations. Si on ne fait pas ça comme il faut, on va tout perdre.»

Des dégâts

Le maire de Mont-Louis, Serge Chrétien, a observé des dégâts causés par les motoneigistes hors piste. «Sur mon terrain, j’ai planté des petits fruits. Une motoneige a passé dessus. Ça a détruit quelques arbustes […]. L’année dernière, j’ai vu une plantation de conifères où les plants étaient écrasés. La motoneige hors piste, ça fait une trace assez profonde.»

«Le touriste, il ne faut pas le rejeter, mais s’ils veulent faire du ski-doo ici, qu’ils respectent les règles de voisinage et les terrains, dit M. Chrétien. Il faut que le gouvernement fasse quelque chose. Ça prend une bonne structure. Ce serait peut-être mieux qu’ils soient guidés.»

L’un des problèmes: les motoneiges hors piste sont capables d’aller presque partout. Mais en pleine nature, rien n’indique qu’on franchit les limites d’un terrain privé, d’une réserve faunique ou du parc de la Gaspésie. 

Sur la Réserve faunique des Chic-Chocs, il a fallu installer des panneaux d’interdiction destinés à la motoneige hors piste, indique le directeur Bermans Drouin. Des vandales en ont déjà enlevé certains, posés l’été dernier. 

L’interdit existe pour protéger les plantations, mais aussi les ravages d’orignaux, précise M. Drouin. Les bêtes ont besoin de leur énergie pour survivre à l’hiver, pas pour fuir au passage de motoneigistes.

Motoneige hors piste › Une motoneige classique est faite pour suivre des sentiers damés. La motoneige hors piste est plutôt conçue pour affronter la poudreuse. La chenille est plus longue à l’arrière pour augmenter la portance sur la neige folle. Les crampons des chenilles sont aussi plus longs – trois pouces plutôt qu’un seul – pour assurer une bonne prise.

Des balises claires

Alain Thibault, d’Extrême Chic-Chocs, en appelle au jugement des motoneigistes. «Ça se passe entre le pouce droit et le cerveau. Je ne pense pas que les gens doivent nécessairement prendre un guide.»

À la MRC de la Haute-Gaspésie, on essaie de réactiver la Table des véhicules hors route, où se rencontraient jusqu’à l’an dernier les entreprises de guidage, les autorités et les organismes de développement. Une façon d’arbitrer les conflits d’usage.

«La tendance [à la motoneige hors piste] est là pour rester, dit Sébastien Lévesque, directeur de la MRC. Ces gens-là, il faut qu’ils mangent, qu’ils mettent de l’essence. Mais ça prend des balises claires. Les gars qui arrivent de Québec, ils n’en feraient jamais sur Grande Allée. Ici, ça ne doit pas être wild open, on débarque nos machines et on part.»

Dépliant

L’Association des clubs de motoneige de la Gaspésie sensibilise les adeptes par un dépliant distribué dans les motels et les concessionnaires de motoneiges, explique le président Aurélien Côté. «Les gens qui pratiquent le hors-piste, on essaie de les informer à ne pas entraver les droits de passage et à respecter les règles. Quand ils s’approprient des terrains privés ou des terres de la Couronne, comme les ZEC ou le Parc de la Gaspésie, on essaie de les sensibiliser au fait qu’ils sont en infraction, mais il y a toujours des délinquants. La plupart de ces gens-là, c’est pas nos membres.»

Les motoneigistes doivent aussi partager le terrain avec les skieurs hors piste. À Murdochville, haut lieu du hors-piste sur planches ou sur chenilles, les organisateurs du premier Snowcross York Master le présentent comme «l’occasion de renforcer les liens entre les skieurs et les motoneigistes unis par l’amour de la poudreuse». Courses de motoneige et «ambiance festive» doivent sceller ces liens au mont York les 2 et 3 avril.

http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/les-regions/201603/26/01-4964889-lessor-de-la-motoneige-hors-piste-pour-le-meilleur-et-pour-le-pire.php

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